Raconter

Raconter une histoire.

Tout commence par un acte.

L’acte religieux ou d’État civil est par lui-même le premier récit d’un évènement : début ou fin d’une vie, serment d’une vie à deux avec promesse de créer une famille…

Ce premier récit respectant les codes et lois du moment, est réalisé par une personne compétente, désignée, qui a le pouvoir de raconter cet épisode de vie, de le noter sur des registres et de facto le rendre authentique, concret.

 

De cet acte il me faut ensuite ré-écrire, méthodiquement, les nom et prénoms des nouveaux nés, des défunts, des épousés; noter les parrains et marraines, les témoins, les déclarants; relier les actes, les personnes, constituer des relations, des lignées. Et petit à petit construire une histoire qui à tout moment, au gré d’un nom,d’une date ou d’un rédacteur plus bavard qu’un autre, peut parfois se confronter avec l’Histoire, la grande.

À force de tourner les pages des registres, de chercher ici ou là tout ce que je peux trouver sur vous qui êtes ma famille, une sorte de rapprochement ou d’intimité naît entre vous et moi. Mais pour raconter vos histoires, il me faut tout d’abord les recréer. Il me faut transformer ces données, la plupart du temps très concises voire brutes, en « moments réels ». Il me faut faire revire vos existences abandonnées dans ces listes, dans ces livres. Il me faut vous redonner une identité réelle, et face aux lacunes il me faut aussi parfois imaginer.

Ainsi, souvent je me demande ce que vous pouviez penser à ces moments là, quels étaient vos sentiments, quelle dimension ces évènements avaient pour vous. Avez-vous versé des larmes comme je le fais parfois lorsque je lis les actes se rapportant à ces vies minuscules qui ne durèrent pour certaines que quelques heures, voire moins ?  Ou étiez-vous plus fatalistes ?

J’analyse tout ce que je lis et je retrouve ainsi vos amis, voisins, des personnes inconnues pour moi mais qui ont dû compter dans vos vies. Je me questionne sur ce choix de marraine ou de témoin. Et pourquoi untel apparait-il plus que son frère dans les registres ? Pourquoi la présence d’un enfant lors d’une inhumation et pas celle d’un autre ?

Des questions, des dizaines de questions, sans réponses le plus souvent mais malgré tout, petit à petit, mon récit commence à se construire…

Et même si finalement je ne suis que témoin de « documents écrits par d’autres », je souhaite, en vous racontant, vous sortir de l’oubli parce que vous êtes mes parents, ma famille. Parce que c’est grâce à vous que je suis cette femme aujourd’hui. En effet, lequel ou laquelle d’entre vous m’a transmis le vert de mes yeux ? Duquel ou de laquelle d’entre vous ai-je hérité cette hyper sensibilité ? Ce (mauvais) caractère ? Ce goût prononcé pour les sucreries ?

Alors je vous raconte, et chacun de mes récits possède ses personnages principaux, ses destins détaillés ou parfois à peine esquissés, tels ceux de :

Et tant d’autres…

Mais raconter, vous raconter, c’est aussi ce livre que j’ai tant de mal à terminer. Ce livre sur lequel je n’arrive pas à écrire le dernier mot. Car comment envisager le mot « FIN » pour votre histoire ?

 

 

 

Sources :

Images : Istockphotos

Image Les bleuets du Chemin des Dames : aisne14-18.com

Le récit de généalogie : Pierre.campion2.free.fr

 

 

 

 

 


5 réflexions sur “Raconter

  1. Quel beau texte qui dit bien ce que je ressens comme toi . Le cœur serré lorsqu’on trouve des décès trop précoces, le cœur joyeux lorsque l’on est invité à lire les réjouissances familiales : noces bien assorties, enfants désirés. Et tant d’autres événements à raconter, au fil de nos recherches généalogiques.

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