Une photo

Ce n’est même pas une photo.

Ce n’est qu’une photocopie, de mauvaise qualité, retrouvée dans les papiers de mon père.

Ce n’est même pas une photo, mais elle m’est plus chère que nombre de clichés.

photo-famille

Chaque personne y apparaissant fait partie de ma famille, mais je n’ai connu aucune d’elles ou du moins je n’en ai pas souvenir. Comment expliquer alors, l’émotion qui m’envahit chaque fois que je la regarde ? Rien à voir avec les sentiments qui ressurgissent parfois devant un album de photos, en se remémorant des instants passés, partagés avec des personnes aimées et maintenant disparues. Rien à voir avec ces instants qui font revivre la mémoire. Et pourtant …

J’y devine à peine les traits des visages de ceux dont chaque jour je cherche à connaître la vie, celle de leur famille,  et qui par leur existence même font que je suis là aujourd’hui… Et jamais je ne pourrai leur exprimer l’admiration, le respect et l’affection que j’ai pour eux.

Et si …

Et si je pouvais être là, près d’eux, au moment précis où cette photo a été prise, que leur dirais-je ? Rien, car comment leur expliquer ma présence ? Je me contenterais de les regarder, de me repaître de leur visage, tout en pensant à tout ce que je sais sur eux et sur leur histoire. J’essaierais de m’approcher, les toucher peut-être, échanger un regard, un sourire … Mais il est inutile de rêver, car tout cela est impossible.

Et si …

« Je me retrouve là, en 1910 à Amailloux, parmi vous, posant pour cette photographie. Je ne suis qu’une sorte d’ombre, une présence furtive cachée, peut-être derrière toi, le jeune homme à droite, celui qui relève fièrement le menton.

Mais que vous êtes sérieux !  C’est pourtant un jour heureux, le jour du mariage de Marguerite DÉRET et d’Eugène PILLOT. Je me rends bien compte que le temps de pose demandé par le photographe ne favorise pas l’allégresse, mais vous avez comme une sorte de retenue. Et j’ai bien conscience que pour vous, prendre une photo est un évènement important pour lequel la désinvolture n’est pas de mise, vous allez jusqu’à penser qu’apparaître souriant pourrait vous montrer comme des personnes frivoles voire infantiles…

La photo est maintenant faite et je n’en reviens toujours pas ! Vous êtes tous là, tout près de moi …

Vous, mes arrières arrières grands parents, Louis ALBERTEAU et Marie BERTHELOT, dont je ne sais pas grand chose si ce n’est les dates « majeures » de votre vie …

Vous, mes arrières grands parents, François Delphin DÉRET et Eugénie ALBERTEAU… Eugénie de toi je retiens entre autre ton acte de naissance qui m’a fait bien sourire (lire « Un brin d’humour« ). Et toi, François … Je peux aujourd’hui voir le regard plein d’amour que tu as pour ton épouse. Tu ne sais pas bien sûr que dans un peu plus de 2 ans elle va tous vous quitter. Que tu ne la remplaceras jamais. Que par désespoir tu confieras tes enfants à ton beau-frère, que tu vendras presque tout ce que tu possèdes, dont ta ferme, et que tu te « placeras » comme domestique. Tu ne garderas que ta petite maison au « Rivoli » d’Amailloux, dans laquelle tu mettras quelques meubles. Tu ne pourras y aller que lorsque tu auras de très rares congés et c’est dans cette maison que tu partiras rejoindre ta femme 33 ans plus tard.

Vous, mes grands oncles et tantes … Alexis ALBERTEAU d’Amailloux, tu deviendras tuteur des enfants de ta sœur tout en élevant les tiens Louise, Abel et Norbert. Louis ALBERTEAU, le prêtre qui officiera entre autres à Iteuil et à Persac dans la Vienne. Marie ALBERTEAU mariée à Léon BABIN, minotier et ta soeur Augustine ALBERTEAU mariée à Marcel BABIN, lui aussi minotier. Antonin ALBERTEAU cafetier à Argenton Chateau et Victor ALBERTEAU épicier à Clessé  avec ta femme Angelina. Et vous, Sidonie, Véronique, Yves et Arsène DÉRET (lire « Arsène, un poilu courageux« ) , vous n’êtes encore que des enfants.

Et toi, le beau jeune homme qui se tient si droit et qui « fait le fier » en levant le menton , tu ne sais pas que je suis ta petite fille … Marie Joseph DÉRET…  A toi, grand-père,  je t’ai déjà presque tout dit (lire « Cet inconnu »)

Je passe encore de longs moments à vous regarder, à enregistrer le plus de détails possibles en toute discrétion. Il est un peu frustrant de comprendre que vous ne me connaissez pas, mais moi je sais qui vous êtes … « 

Ce n’est qu’une photo, mais il est si doux parfois de rêver …

 

Légende de la photo :

1ère rang en bas de gauche à droite :

Abel, Norbert et Alexis ALBERTEAU, Louise ALBERTEAU, Louis ALBERTEAU, Marie BERTHELOT, Louis ALBERTEAU, Eugénie ALBERTEAU, François Delphin DÉRET, Yves DÉRET

2ème rang :

?, Léon BABIN, Marie ALBERTEAU, Antonin ALBERTEAU, Augustine ALBERTEAU, Marcel BABIN

3ème rang :

Victorine ALBERTEAU, Jules VERGER, ?, ?, Marguerite DÉRET, Eugène PILLOT, Angélina ROUVRAUX, Marie Joseph DÉRET

4ème rang :

Sidonie DÉRET, Arsène DÉRET, Véronique DÉRET

 

 

 

 

 

 

 

 


2 réflexions sur “Une photo

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