« Nat,
Je t’ai vu nous chercher pendant des semaines mon mari et moi, avec cette incertitude que nous ayons même existés. Tu t’es entêtée sachant très bien que ces 19 enfants ne pouvaient être tous des frères et sœurs.
Je t’ai vu obsédée et répéter sans cesse : il y a forcément un couple homonyme !
Je t’ai vu écrire cet article (Famille nombreuse ou pas) avec l’espoir fou de trouver de l’aide quelque part.
Et je t’ai vu refuser d’abandonner …
J’apprécie ton acharnement et le plaisir que tu as de vouloir sortir de l’ombre ma famille qui est aussi la tienne. Je te vois assise à ton bureau pendant des heures à nous chercher, je te vois écrire des noms, des dates, vouloir les relier, tout rayer, chiffonner ton papier, mais toujours recommencer. Je te vois soupirer, te décourager parfois, et je souris lorsque je t’entends crier « bingo! ».
J’ai finalement décidé de t’envoyer un peu d’aide, un signe pour te mettre sur notre piste. Cette personne à qui tu as demandé d’aller aux archives n’a pas trouvé le document que tu souhaitais. Alors je lui ai glissé sous les yeux notre contrat de mariage (1754) à Jean et moi et lui ai soufflé de te le donner, même si cela n’avait aucun rapport avec le sujet de ta demande initiale.

Et là, lorsque tu as lu … Tu savais enfin que moi, une autre Jeanne POUPARD, j’avais épousé un autre Jean BARRICAULT. Tu ne me connaissais pas, tu ne savais pas que nous étions deux cousines à porter les mêmes prénom et nom. Certes tu savais qu’il y avait deux Jean, l’oncle et le neveu, mais tu n’avais trouvé qu’un seul mariage… Je t’ai vu alors reprendre tous les actes de naissance des enfants, un par un. Noter tous les détails et tu as réussi à nous attribuer à chacun nos enfants respectifs. Pour Jean et moi : Louis (1757), François (1758), Pierre (1759), Magdeleine Jeanne (1762), Jean (1764), Jeanne (1767), Marie Anne (1770), Anne (1772) et Joseph Marie (1775). Et pour Jean et Jeanne : Jeanne, Jean, Louis, Jacques, André, Pierre, Marie Françoise, Marie Magdeleine, Marie Anne et François Isaac. Il te manque encore quelques dates concernant notre vie, mais je n’ai aucun doute je sais que tu les trouveras.
Je te vois depuis tant de temps remonter de générations en générations, prendre du plaisir à découvrir un à un tes ancêtres. Au regard de certains de tes compères, tu ne vas pas bien vite mais tu essaies toujours à chaque rencontre avec un aïeul de connaître le plus de détails possible sur sa vie. Je conçois que ce n’est pas facile car nous ne sommes, pour la grande majorité, que des agriculteurs, laboureurs, bordiers, métayers et tu ne trouveras pratiquement aucun évènement à sensation nous concernant.
Ce que tu découvres dans les archives ne te montre bien souvent que la tristesse, les douleurs que nous avons eu de perdre de nombreux enfants, les veuvages, cette mort omniprésente à cause des épidémies, de la misère, des famines, des guerres … Oui, c’est vrai nous avons connu de nombreuses fois le chagrin. Mais nous avons eu aussi des vies ô combien riches. Riches d’amour et d’affection et nous avons souvent ri de nos blagues, nous aussi. Nous avons eu des amis et des voisins avec lesquels nous partagions beaucoup comme lors des travaux quotidiens de la ferme ou lors des veillées dont tu as si souvent entendu parler. Nous avons eu de nombreux moments heureux, n’en doute jamais.
Je t’ai vu conjecturer sur l’utilité d’écrire pour nous raconter, l’utilité de partager avec d’autres nos vies tranquilles de paysans des Deux Sèvres … N’abandonne pas car je sais, nous savons tous, que malgré le peu de traces que nous t’avons laissé tu continueras à nous chercher et à essayer de nous comprendre. Et plus que tout, nous savons que tu es fière de ta famille …
Jeanne POUPARD «
… Avouez-le, qui parmi vous n’a jamais rêvé recevoir une lettre ou parler avec un de ses ancêtres ? …
Je remercie sincèrement le bénévole du Fil d’Ariane qui, faute de trouver le document demandé, m’a envoyé ce contrat de mariage.
Les 2 couples Jean BARRICAULT – Jeanne POUPARD
Sources :
Archives Départementales des Deux-Sèvres : AD 79
Image « La veillée » : Delcampe.fr
Une magnifique lettre !! Un encouragement de nos ancêtres à les recherchés, à ne jamais baisser les bras!
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Merci Lolo 🙂
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Très beau ! On rêve tous effectivement d’avoir ce genre de lettres. Mais je pense quand même que nos ancêtres veillent un peu sur nous, car souvent au moment où on envisage d’abandonner parce qu’on ne trouve rien, tout d’un coup on trouve un petit bout de quelque chose et on repart de plus belle !
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Merci Véronique 🙂 C’est vrai que le hasard fait souvent bien les choses 😉
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J’aime bien cette idée de l’aïeule qui regarde par dessus notre épaule pour voir comment nous faisons des recherches sur son histoire. Cette lettre est fort explicite de la complexité des homonymes. C’est ce qui produit des enquêtes passionnantes que l’on a envie de partager.
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Merci 🙂 J’ai longuement cherché ce deuxième couple et c’est le hasard, avec l’aide du zèle d’un bénévole du Fil d’Ariane, qui me la fait découvrir. Et pour l’aïeule qui regarde par dessus l’épaule, vous en doutiez ? 😉
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Quel plaisir de lire vos articles … Quelle belle idée que cette lettre pour raconter votre recherche. Bravo, encore une fois. Juste une précision, c’est quel village ? J’ai moi une Jeanne Barricault, fille d’un François, née à Nanteuil en 1725 ….
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Merci Brigitte pour ce commentaire, ça me touche beaucoup 🙂 « Mes » BARRICAULT sont également originaires de Nanteuil.
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